Landscapes of an absence
Marie de Brugerolles | 2009
Photographies, films, installations, les œuvres de Perrine Lacroix construisent des paysages sensibles dont les structures, les lignes de force, évoquent les linéaments d’une peau, la charpente d’un squelette.
L’architecture commence avec le corps.
Les immeubles abandonnés en cours de construction (Châteaux en Espagne), la cabane ouverte de Studiolo, les plis du drap et l’ossature de la main, ont en commun de tracer des lignes de fuite que le regard emprunte. Hors champs, une autre image s’invente, dont le cadre peut être celui de la mémoire.
Ailleurs, Perrine Lacroix avait utilisé le blanc immaculé du panneau d’affichage, ou raconté l’éblouissement de l’aveugle. Elle invente, prélève, oblitère, pour ouvrir des brèches dans le flux d’images qui nous entourent et révéler un dessous des cartes. La vidéo des Pas perdus nous place dans la posture d’un voyeur qui tente de deviner les allées et venues, présences marquées au rythme des pas sur nos têtes. L’opalescence des dalles de verre crée un halo, un pourtour ouaté dont la trace s’efface aussitôt.
Une trace, c’est un écart à l’envers.
Le drap du lit qui recouvre les jambes matérialise l’empreinte d’un corps dont le souffle est parti (Paysage). Les imagines étaient les masques de cire des ancêtres que les romains exposaient dans le vestibule des maisons. L’imago est avant tout l’image du mort, son empreinte, sa trace inversée. Comment passer de ce fantasme , c’est à dire cette forme vague menaçante, fascinante, d’un mort à sa forme ressemblante mais bénéfique car séparée ? C’est toute la question de la bonne image, fabricante de mouvement, de parole.
Cela se joue dans le déplacement : de l’hiver à l’été, de la forêt à la clairière, du drap à la main. Cela s’opère dans les variations d’échelle, presque 1/1, en miroir de nous, à la verticale, en mouvement un peu plus bas, en polyptique qui redouble, multiplie et fait vaciller la ressemblance. Basculements et déplacements subtils provoquent un léger vertige, une impression de perte de repère.
La photographie comme memento mori cède la place à une surface murale, un petit écran module l’espace infini du pas de l’attente, un paysage mental s’articule à partir d’une cabane de chantier, de chasseurs ? Les engins à l’arrêt semblent à leur tour guetter l’homme.