En los aires

Mur fracturé | Angle, La Roche-sur-Foron 2012 |
du 09 novembre au 21 décembre 2012

Le Mur fracturé est un moucharabieh de briques rouges. Ici, il a été fracturé, comme celui du squat de Pantin où, en septembre 2011, six personnes, tunisiens et égyptiens, échappés du « printemps arabe » ont trouvé la mort, asphyxiés sans avoir pu retrouver le trou par lequel ils s’étaient faufilés la veille.
commissaire : Triptik
« En septembre 2011, six personnes sont prises dans l’incendie de leur squat à Pantin. Des Tunisiens et des Egyptiens, échappés des "printemps arabes", s’étaient confiés cette adresse près du périphérique parisien.

Comme dans tous les squats de migrants, on avait distribué les « chambres » en fonction de l’origine géographique. Les Tunisiens du port de Sfax s’étaient regroupés dans la chambre qui donnait sur le passage Roche. Ceux de Ben Guerdane avaient pris la pièce orientée au nord, celle aux fenêtres grillagées. Les Egyptiens, eux, s’étaient isolés dans une partie condamnée du bâtiment, à laquelle on accédait par un trou percé dans la cloison.
Le feu est parti de la pièce où dormait un Egyptien de 36 ans. Un grand costaud avec d’épais sourcils. Alors que tous les autres s’entassaient jusqu’à douze par pièce, lui s’était préservé un coin d’intimité. Une pièce qui avait été baptisée "la chambre d’Alaa".
A l’intérieur, il y gardait jalousement une collection de livres d’occasion. Des romans en français, en arabe, des "vu à la TV" récupérés auprès de l’ancien locataire. Plus d’un millier d’ouvrages empilés dans des cartons qu’il espérait revendre. Le soir, pour voir clair, faute d’électricité, Alaa allumait toujours deux ou trois bougies qu’il scellait d’un peu de cire sur une commode. Les autres l’imitaient et les soufflaient
avant de s’endormir.
Alaa, lui, ne les éteignait jamais. L’Egyptien "avait peur du noir", témoigne l’un des squatteurs, "et il les laissait brûler jusqu’au matin".
Ce soir-là, ils étaient une vingtaine à dormir au squat. »


d’après Emeline Cazi et Elise Vincent, extraits de la « La chambre d’Alaa », article du Monde, 21 septembre 2012